Bruits, odeurs, plantations… Vos voisins perturbent votre tranquillité ? S’ils ne veulent rien entendre, vous pouvez saisir la justice. Mais seulement si le trouble est excessif…
Chacun est en principe libre de faire ce qu’il veut chez lui, à condition de respecter la loi. Pour régler les conflits entre voisins, les juges ont élaboré la théorie des « troubles anormaux de voisinage » : les nuisances qui dépassent les inconvénients normaux – et seulement celles-ci – peuvent être sanctionnées (article 544 du Code civil).
Quant à la nature du trouble, elle ne se cantonne pas aux bruits – même s’ils représentent la majorité des litiges – mais s’étend à toutes les sortes de nuisances jugées par un tribunal, visuelles, olfactives, créant un risque ou un trouble esthétique.
Bruit : ne sont sanctionnés que les excès continuels
Difficile d’imposer le silence absolu à ses voisins… Avant de s’engager dans une procédure, mieux vaut vérifier si le bruit dont vous vous plaignez est bien réprimé par la loi. Si, par exemple, vous habitez en dessous de l’appartement d’une famille nombreuse, vous ne pourrez rien faire car le bruit des enfants n’a rien d’anormal qui puisse justifier une demande de dommages et intérêts.
À la lecture des décisions rendues, une chose est certaine : ne sont sanctionnés que les bruits excessifs, répétitifs ou qui se prolongent dans le temps. Peu importe qu’ils interviennent le jour ou la nuit.
Ont été ainsi considérés comme troubles anormaux du voisinage :
- le bruit d’une pompe à chaleur (Cour de cassation, 10 juillet 1990, n° 89-11 228),
- les aboiements continus d’un chien (Cour de cassation, 27 mars 2014, n° 13-14 907),
- l’usage intensif d’un piano… (Cour de cassation, 23 mai 2012, n° 10-19 760).
En revanche, les juges auront tendance à considérer comme une gêne normale les bruits produits par l’activité familiale à l’étage supérieur : pas d’enfants, galopades,
claquements de porte ponctuels, pratique raisonnable d’un instrument de musique.
Un même bruit peut constituer un trouble ou non selon les circonstances et l’emplacement du conflit : par exemple, le chant du coq, toléré dans certaines zones, sera jugé nuisible dans d’autres, surtout s’il est continuel et commence dès 4 heures du matin… Rien ne vous garantit donc du résultat lorsque vous saisissez le juge.
Ouvertures : les règles à respecter
Si votre voisin, après avoir fait une déclaration préalable en mairie, perce une fenêtre sur le pignon de sa maison qui donne sur votre jardin, cette ouverture ne constitue pas un trouble anormal de voisinage car elle est faite dans les règles.
La loi autorise en effet les ouvertures pratiquées à condition de respecter certaines distances (articles 678 à 680 du Code civil).
Les ouvertures qui permettent de voir à l’extérieur, appelées « vues » (fenêtres, baies vitrées, portes-fenêtres, balcons, terrasses) doivent respecter des distances minimales par rapport au terrain voisin.
En revanche, aucune distance n’est imposée si l’ouverture pratiquée donne sur un mur aveugle, un toit fermé ou le ciel (un Velux).
Inutile donc de saisir un juge pour contester une ouverture si elle respecte ces règles, à moins que d’autres dispositions particulières ne prévoient des restrictions plus importantes (règlement de lotissement…).
Construction : contester en cas de perte de vue
Si votre voisin fait construire une maison qui vous prive de la vue magnifique que vous aviez sur la mer, rien ne vous empêche, même si le permis de construire n’a pas été contesté dans les délais, d’entamer une action pour la perte de vue ou d’ensoleillement que vous subissez du fait de cette construction pourtant édifiée dans les règles.
Il est donc possible de saisir le juge avant le début des travaux pour les interdire, ou alors s’ils sont achevés, pour obtenir des dommages et intérêts, lorsque la gêne subie est considérée comme excessive.
Cela peut être le cas si un immeuble imposant est construit à côté de votre maison, engendrant un déficit d’ensoleillement, une perte de vue, ou comporte des ouvertures sur votre propriété, entraînant une dépréciation de sa valeur (Cour de cassation, 30 mai 2012, n° 10-28 257). Toutefois, dans les zones urbanisées, appelées à évoluer, les juges sont moins enclins à reconnaître un tel trouble.
Odeurs : une affaire de proportions et de circonstances
Les odeurs aussi peuvent constituer un trouble anormal du voisinage. Si vous ne pouvez pas reprocher l’usage d’un barbecue à votre voisin (sauf s’il est interdit ou réglementé par la copropriété, le lotissement ou la commune), il en va autrement s’il en abuse (cour d’appel de Caen, 21 février 2002, n° 01/00475), voire prend un malin plaisir à vous imposer son fumet et sa fumée.
Ainsi, les odeurs de cuisine que dégagent les restaurants sont souvent considérées comme un trouble anormal, notamment dans les copropriétés (cour de cassation, 13 novembre 2013, n° 12-26 121).
Il a été également jugé que, même en milieu rural, l’odeur d’un tas de fumier situé à faible distance d’une habitation pouvait constituer un trouble anormal du voisinage (Cour de cassation, 6 mai 1987, n° 85-17 679).
Aussi, l’odeur pestilentielle d’un poulailler mal entretenu, situé à quelques mètres de la propriété voisine et qui peut empêcher le voisin de profiter de son jardin (cour d’appel de Versailles, 12 juin 2007, n° 06/03 110).
Végétation : qui doit couper les branches ?
Votre voisin doit respecter certaines distances par rapport à la limite de votre propriété pour effectuer ses plantations.
Ces distances sont en principe définies par les règles et usages locaux de chaque commune, consultables en mairie, ou, à défaut, par la loi (article 671 du Code civil) qui impose un maximum de 2 m pour les plantations dépassant 2 m de haut, et de 50 cm pour les autres.
Si votre voisin ne respecte pas ces règles, vous pouvez exiger que la plante soit arrachée ou réduite à la hauteur autorisée (sauf si la situation perdure depuis plus de trente ans). Vous pouvez aussi l’obliger à couper les branches qui dépassent chez vous, mais ne pouvez pas le faire vous-même.
Si ce sont des racines, des ronces ou des brindilles qui vous envahissent, vous avez alors le droit de les couper vous-même à la limite de votre terrain.
C’est le cas, par exemple, si votre pelouse est envahie par les feuilles de ses arbres, vous obligeant à un nettoyage régulier, ou si vous subissez une perte d’ensoleillement de votre terrasse. Mais là encore, le résultat dépend des circonstances… (cour d’appel de Rouen, 10 janvier 2007, n° 05/03 628)
Quelles démarches pour obtenir réparation ?
Alerter votre voisin. Oralement puis par courrier recommandé avec avis de réception.
Rassembler des preuves. Constat d’huissier, témoignages écrits, courriers échangés, photos, courriers au syndic, à la mairie, mains courantes, PV…
Tenter une conciliation. Auprès du conciliateur du tribunal d’instance, du médiateur de la mairie ou de la maison de justice et du droit de votre département.
Saisir le tribunal. Le juge de proximité si votre demande ne dépasse pas 4 000 €, le tribunal d’instance jusqu’à 10 000 € (et quel que soit le montant pour les plantations), le tribunal de grande instance au-delà. Pour saisir le juge, vous trouverez des renseignements et des formulaires sur service-public.fr.